Le phénomène de métropolisation Pourquoi Ajaccio ? Quelle légitimité ?
Au niveau mondial et européen, la métropolisation se trouve aujourd'hui au cœur du débat public, avec en toile de fond les effets de la mondialisation.
La métropole est avant tout un ensemble urbain de grande importance qui exerce des fonctions de commandement, d’organisation et d’impulsion sur une région. Elle anime un système urbain plus ou moins complexe à la hiérarchisation emboîtée.
Les 10 plus grandes régions urbaines réalisent 40% de la croissance et produisent 70 à 80% des technologies. Les métropoles accueillent la majorité des créations d’emplois et sont plus résistantes aux crises économiques.
Pour résumer, la métropole est une ville où se concentrent les pouvoirs : économique, politique et culturel.
L’Europe se trouve dans un processus de métropolisation (agglomérations urbaines).
Il est de plus en plus fréquent que les agglomérations urbaines et les capitales soient soumises à des régimes spécifiques (Slovénie, République tchèque, France, Espagne, Hongrie, Lettonie…), qui leur permettent de faire face à leurs besoins spécifiques en matière de prestations de services et de capacité à les offrir de manière pleine et entière (autonome).
La dévolution de compétences permet la redéfinition des compétences locales en fonction des besoins qui ne sont pas les mêmes selon les tailles des communes.
Au niveau européen, si l’intégration européenne a entraîné un renforcement du niveau régional, la réalité a conduit, dans plus d’un pays, à un débat sur le dimensionnement de l’espace local en raison des limites territoriales, financières et démographiques (intercommunalités/métropolisation, etc.).
Les agglomérations urbaines européennes disposent de domaines de compétences particuliers - correspondant à des changements économiques et sociaux décrits par des études d’aménagement du territoire, dans la mesure où les « régions (territoires) économiques urbaines » ne correspondent pas aux frontières administratives mais aux bassins d’emploi.
La métropole est avant tout un ensemble urbain de grande importance qui exerce des fonctions de commandement, d’organisation et d’impulsion sur une région. Elle anime un système urbain plus ou moins complexe à la hiérarchisation emboîtée.
Les 10 plus grandes régions urbaines réalisent 40% de la croissance et produisent 70 à 80% des technologies. Les métropoles accueillent la majorité des créations d’emplois et sont plus résistantes aux crises économiques.
Pour résumer, la métropole est une ville où se concentrent les pouvoirs : économique, politique et culturel.
L’Europe se trouve dans un processus de métropolisation (agglomérations urbaines).
Il est de plus en plus fréquent que les agglomérations urbaines et les capitales soient soumises à des régimes spécifiques (Slovénie, République tchèque, France, Espagne, Hongrie, Lettonie…), qui leur permettent de faire face à leurs besoins spécifiques en matière de prestations de services et de capacité à les offrir de manière pleine et entière (autonome).
La dévolution de compétences permet la redéfinition des compétences locales en fonction des besoins qui ne sont pas les mêmes selon les tailles des communes.
Au niveau européen, si l’intégration européenne a entraîné un renforcement du niveau régional, la réalité a conduit, dans plus d’un pays, à un débat sur le dimensionnement de l’espace local en raison des limites territoriales, financières et démographiques (intercommunalités/métropolisation, etc.).
Les agglomérations urbaines européennes disposent de domaines de compétences particuliers - correspondant à des changements économiques et sociaux décrits par des études d’aménagement du territoire, dans la mesure où les « régions (territoires) économiques urbaines » ne correspondent pas aux frontières administratives mais aux bassins d’emploi.
L’Agglomération ajaccienne s’inscrit dans le mouvement métropolitain précité.
Au regard de ces éléments, se pose la question de la pertinence de la transformation de l’EPCI du Pays Ajaccien en Métropole ajaccienne ou en entité institutionnelle autonome (réellement décentralisée).
Certes, l’ensemble de population est sans commune mesure avec les critères actuellement imposés par le droit commun, mais Ajaccio, ville capitale, et son agglomération de près de 100.000 habitants représentent près du tiers de la population de la région insulaire.
Une métropole (dérivé du bas latin Metropolis « capitale d'une province », lui-même lié au grec ancien Mētrópolis, « ville-mère ») est la ville principale d'une région géographique ou d'un pays. Du fait de sa population importante et de ses activités économiques et culturelles, elle permet d'exercer des fonctions organisationnelles sur l'ensemble de la région dans laquelle elle est implantée.
Plus qu’une aire urbaine d’une certaine taille, la Métropole réunit différentes fonctions qui peuvent être synthétisées autour de 4 items :
- La densité, la diversité et la diversification des populations et des activités,
- Les réseaux,
- La puissance et l’attractivité,
- L’irréversibilité : à la différence de la Ville, la Métropole trouve dans sa diversité et sa puissance les éléments lui permettant de répondre aux diverses exigences de son développement et aux contraintes que celui-ci lui impose.
La Métropole est donc plus qu’une agglomération ; elle est une forme spécifique d’aire urbaine, dont l’identification dépasse le seul critère démographique.
La loi retient en ce sens deux critères d’identification de la Métropole : la population et le projet métropolitain.
Le second critère retenu par le législateur est la création et même la consécration d’un « espace de solidarité pour élaborer et conduire (…) un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion ».
C’est principalement, et à son échelle, ce que vivent aujourd’hui la Ville d’Ajaccio et son EPCI, la Communauté d’agglomération du pays ajaccien. Quant au critère de la population, celui-ci peut s’évaluer de manière absolue ou relative (voir infra).
La Métropole permet de concentrer, à un même niveau local, l’exercice de compétences structurantes, qu’elles soient communales, départementales ou régionales, afin d’éviter la fragmentation des intérêts sur le territoire métropolitain.
Le régime fiscal et financier des métropoles de droit commun est largement analogue à celui des communautés urbaines et c’est notamment sur ce point qu’il conviendrait d’être particulièrement innovant dans la poursuite d’un processus de métropolisation pour l’agglomération ajaccienne.
La Métropolisation d’Ajaccio, une logique liée au statut de capitale régionale.
La commune d’Ajaccio (74.848 habitants) est la plus peuplée de l’île. Elle est la capitale régionale de la Corse et la ville-centre de la Communauté d’agglomération du pays ajaccien (CAPA). Ainsi, son aire d’attraction regroupe un tiers de la population régionale.
Sur le long terme, la population est passée de 43.438 habitants en 1968 à 72.647 habitants en 2020, soit une évolution de 67 % sur une période de 52 ans.
Si l'on poursuit de façon linéaire la tendance de l'évolution de la population d'Ajaccio sur la base du taux d'évolution moyen annuel récent (2014-2020), le nombre d'habitants d'Ajaccio au 1er janvier 2030 serait de 79.453 habitants, soit une hausse de 7.600 habitants (10 %).
Ainsi, aujourd’hui, Ajaccio - capitale régionale et son territoire périphérique concentre non seulement une population active importante (puisqu’elle est le premier bassin d’emploi) mais également toutes les autres problématiques qui sont liées au fort développement urbain : difficulté de circulation, gestion de la précarité et de la pauvreté, scolarisation, tranquillité et sécurité, mais aussi alimentation énergétique du territoire, équipements et infrastructures publiques qu’il convient d’adapter sans cesse pour faire face à l’accroissement de la population.
En ce sens, Ajaccio et son « aire d’influence » représentent à l’échelle de la Corse, bien entendu, les problématiques que le législateur a souhaité résoudre par la mise en place des métropoles.
Avec le poids de ses habitants, le grand Ajaccio s’affirme donc comme le premier territoire de Corse. Cette dimension lui confère un poids certain pour peser sur la croissance régionale.
Il convient de mesurer le poids de la Ville et de son territoire sur l’ensemble du territoire insulaire pour se rendre compte de l’impérieuse nécessité de traiter différemment le sort du pays ajaccien au regard des autres territoires de l’île.
Au niveau du poids de la Ville dans l’ensemble régional :
VILLE Habitants Part dans la région
- Bordeaux 266.887 (4,36%)
- Brest 139.456 (4,18 %)
- Clermont-Ferrand 61.852 (0,77 %)
- Grenoble 158.240 (1,97 %)
- Montpellier 311.835 (6,16 %)
- Toulon 81.506 (1,61 %)
- Nice 346.376 (6,84 %)
- Strasbourg 298.492 (15,79 %)
- Ajaccio : 74.848 (21,3 %)
Au niveau du poids de l’agglomération dans l’ensemble régional, quelques comparaisons :
MÉTROPOLE Population Part dans l’ensemble régional
- Nice-Côte d’Azur 558.768 (10,99 %)
- Bordeaux 830.284 (13,41 %)
- Brest 215.366 (6,46 %)
- Grenoble 454.541 (5,66 %)
- Montpellier 505.973 (10 %)
- Pays Ajaccien 89.483 (25,47 %)
Parallèlement à cette comparaison, il convient aussi de relever que des dispositions dérogatoires ont manifestement été appliquées puisque, si le seuil de population pour créer une métropole est de 400.000 habitants, on notera que toutes les métropoles n’ont pas atteint ce chiffre. On citera notamment :
- Clermont Auvergne Métropole 302.146 habitants
- Tours Métropole Val de Loire 301.900 habitants
- Orléans Métropole 294.086 habitants
- Métropole du Grand Nancy 262.121 habitants
- Dijon Métropole 260.376 habitants
- Metz Métropole 228 793 habitants
- Brest Métropole 215.367 habitants
Le grand Ajaccio nécessite à la fois une reconnaissance de son rôle de locomotive régionale, mais aussi la consécration du nécessaire traitement différencié que lui confère sa situation actuelle.
Un traitement différencié par les ressources et les moyens nécessaires à l’exercice des compétences qui lui sont dévolues et/ou qui devront lui être attribuées à l’aune du principe ou des principes de subsidiarité.
Un traitement différencié par les ressources et les moyens nécessaires à l’exercice des compétences qui lui sont dévolues et/ou qui devront lui être attribuées à l’aune du principe ou des principes de subsidiarité.
Pour la Corse, on dispose aujourd’hui d’un recul suffisant pour mesurer les conséquences de la fusion des départements avec la Collectivité territoriale de Corse, en 2018, sur de nombreux aspects de la vie des Corses, notamment dans trois domaines : l'action sociale, l'aménagement du territoire et la démocratie locale.
L'action sociale
L'action sociale est une compétence essentielle des départements. En Corse, elle représentait près de 60 % du budget départemental. Elle concerne un large éventail d’attributions, telles que l'aide sociale à l'enfance, l'aide sociale aux personnes âgées, l'aide sociale à l'hébergement, l'insertion sociale et professionnelle…
La concentration des compétences en une seule collectivité a embolisé l’action publique et engendré une nette diminution de la qualité des services et de la couverture territoriale, tout en creusant les inégalités sociales en raison de l’absence de prise en compte des actions du bloc local.
L'aménagement du territoire
L'aménagement du territoire était également une compétence importante des départements. En Corse, elle concerne notamment la construction des infrastructures de transport, principalement les routes, la promotion du tourisme, le développement économique pour partie et le soutien à l’investissement structurel des collectivités et EPCI. Ici encore, cette fusion départements/région a généré une rupture d’égalité en voulant traiter de manière indifférenciée tous les territoires, quelle que soit l’importance de leur population, sans prise en compte de la réalité des réalisations et des besoins.
A titre d’exemple, la seule commune d’Ajaccio a vu ses subventions à l’investissement diminuer du seul fait qu’il a été décidé que le taux de subvention des villes de plus de 50.000 habitants serait réduit à 40%, contre au moins 50% pour les autres strates, alors que le taux de subvention cumulé du département de Corse-du-Sud et de la Collectivité territoriale de Corse atteignait 75% avant la fusion.
Il faut noter ici qu’Ajaccio est la seule commune de Corse concernée par ce taux d’intervention minorée.
La démocratie locale.
Les départements ont constitué pendant longtemps une collectivité de proximité dans les domaines de compétences qui étaient les leurs.
La fusion des départements avec la région a distendu le lien de proximité qui s’était établi depuis plusieurs décennies entre les conseillers départementaux et la population des cantons afférents ; la volonté d’y pallier avec la mise en place de la chambre des territoires n’a pas permis de corriger cette situation.
Les agglomérations, et plus généralement les EPCI administrant les territoires, constituent donc le lien de proximité privilégié, sans pour autant disposer des moyens et des compétences pour répondre aux attentes légitimes des populations concernées, qui ne se sentent plus représentées.
Le processus d’autonomie de l’île en cours ne doit donc pas avoir pour effet de sur-concentrer les pouvoirs normatifs et financiers dans les seules mains d’une collectivité unique, renvoyant tous les autres acteurs institutionnels au rang de collectivités d’exécution des politiques régionales ou nationales.
La future organisation politique et administrative de la Corse, dans le cadre du projet d’autonomie de l’île, doit donc tirer les conséquences organisationnelles de la Loi NOTRe, des principes constitutionnels d’autonomie financière et de libre administration, et engager ainsi une véritable réflexion de fond sur l’organisation territoriale de la Corse.
Ceci signifie certainement une redéfinition du diptyque décentralisation / déconcentration du pouvoir régional et une replanification des compétences au profit des intercommunalités, qui sont les seules à pallier véritablement la disparition des institutions départementales, à la condition toutefois qu’elles disposent des compétences et des moyens financiers.
C’est dans ce cadre que la proposition d’instaurer une Métropole pour le premier ensemble territorial de l’île s’inscrit, au regard notamment de la part de population qu’il regroupe, des problématiques qui y sont liées en termes d’équipements, et de la compensation financière que cela nécessite, surtout eu égard aux financements mobilisés jusqu’alors uniquement par le bloc local ajaccien.
Ajaccio « métropole » : pour quoi faire et pour quels objectifs ?
Il convient de lever les freins au projet de développement de l’agglomération ajaccienne pour assumer pleinement les compétences qui lui ont été dévolues et ainsi mettre en œuvre, avec efficacité, le développement des politiques publiques au service des citoyens, de son territoire et de la région.
Au-delà des freins structurels communs aux collectivités territoriales dus à une décentralisation non aboutie, l’agglomération ajaccienne évolue au sein d’un territoire insulaire administré par une Collectivité unique à statut particulier qui, depuis la fusion des départements avec l’ex-collectivité territoriale de Corse en 2018, centralise l’essentiel des prérogatives de droit commun.
Le système d’enchevêtrement des compétences et des moyens financiers et réglementaires d’exercice de ces compétences, inhérent à la culture politico-administrative française, se trouve ainsi exacerbé en Corse.
Cela s’apparente, quand on rentre dans le détail de règlement d’aides publiques, à subordonner l’attribution de financements de projets à une autre collectivité territoriale à une procédure d’autorisation ou de contrôle, c’est-à-dire à une mise sous tutelle qui est contraire à la constitution ainsi qu’à la charte européenne de l’autonomie locale.
En effet :
Au-delà des freins structurels communs aux collectivités territoriales dus à une décentralisation non aboutie, l’agglomération ajaccienne évolue au sein d’un territoire insulaire administré par une Collectivité unique à statut particulier qui, depuis la fusion des départements avec l’ex-collectivité territoriale de Corse en 2018, centralise l’essentiel des prérogatives de droit commun.
Le système d’enchevêtrement des compétences et des moyens financiers et réglementaires d’exercice de ces compétences, inhérent à la culture politico-administrative française, se trouve ainsi exacerbé en Corse.
Cela s’apparente, quand on rentre dans le détail de règlement d’aides publiques, à subordonner l’attribution de financements de projets à une autre collectivité territoriale à une procédure d’autorisation ou de contrôle, c’est-à-dire à une mise sous tutelle qui est contraire à la constitution ainsi qu’à la charte européenne de l’autonomie locale.
En effet :
- Le principe constitutionnel selon lequel une collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre collectivité a été illustré par un arrêt du 12 décembre 2003 du Conseil d’Etat, Département des Landes, n° 236442, duquel il résulte que « si une collectivité territoriale subordonne l’attribution d’une aide à une autre collectivité territoriale à une procédure d’autorisation ou de contrôle, elle méconnait les exigences de l’article L 1111-4 du CGCT en instituant une forme de tutelle sur cette collectivité ».
- La France a ratifié la Charte Européenne de l’Autonomie Locale en 2007, traité international ayant force juridique contraignante, après ledit acte II de la décentralisation ; l’article 9 de cette charte précise les conditions d’exercices de l’autonomie locale d’un point de vue financier en stipulant à l’article 9-7 que, dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques sous peine de remettre en cause « la liberté fondamentale de la politique de la collectivité locale dans son propre domaine de compétence ».
Il s’agit de consacrer le rôle et le poids de ce territoire et de lui conférer des moyens, y compris juridiques et institutionnels, ainsi que les ressources suffisantes pour conduire son projet de développement au regard des contraintes que le Pays ajaccien et Ajaccio en particulier sont les seuls à supporter au niveau régional, et que la Collectivité de Corse doit traduire dans la mise en œuvre de ses politiques publiques.
Ainsi, l’avenir du Pays ajaccien semble nécessairement passer par sa reconnaissance dans le fait régional, ce que les différents statuts particuliers de l’île depuis plus de 40 ans ne lui ont pas accordé.
1.Philippe De Bruycker et Marc Nihoul, dans un article sur l'impact de la régionalisation sur l'autonomie locale (Annuaire des collectivités locales), indiquent fort justement que la régionalisation a bien un impact sur l'autonomie locale (au sens de libre administration des collectivités) et estiment qu’il s’agit d’un phénomène perturbateur de la relation qui s'installe entre les collectivités décentralisées et les autorités supérieures.
La régionalisation poussée est susceptible de générer trois types de dépendances, écueil qu’il convient d’éviter, surtout dans un nouveau statut d’autonomie de la Corse :
Ainsi, l’avenir du Pays ajaccien semble nécessairement passer par sa reconnaissance dans le fait régional, ce que les différents statuts particuliers de l’île depuis plus de 40 ans ne lui ont pas accordé.
1.Philippe De Bruycker et Marc Nihoul, dans un article sur l'impact de la régionalisation sur l'autonomie locale (Annuaire des collectivités locales), indiquent fort justement que la régionalisation a bien un impact sur l'autonomie locale (au sens de libre administration des collectivités) et estiment qu’il s’agit d’un phénomène perturbateur de la relation qui s'installe entre les collectivités décentralisées et les autorités supérieures.
La régionalisation poussée est susceptible de générer trois types de dépendances, écueil qu’il convient d’éviter, surtout dans un nouveau statut d’autonomie de la Corse :
Une dépendance statutaire des collectivités locales.
Quelles sont les garanties dont elles bénéficient pour se protéger d'éventuelles modifications non souhaitées ? Dans quelle mesure disposent-elles d'une faculté d'auto-organisation (d’autonomie locale/ de libre administration) ?
Une dépendance fonctionnelle des collectivités locales.
Sur le plan des compétences des collectivités locales : quel est le niveau de pouvoir chargé de déterminer leurs compétences ? De quelle manière celles-ci sont-elles délimitées ? Quelles sont les garanties dont les collectivités locales peuvent bénéficier contre d'éventuelles modifications ? Dans quelle mesure participent-elles, elles-mêmes, à la définition de leurs compétences ?
L’exemple actuel en lien avec la loi NOTRe pose à l’évidence des difficultés pour le Pays ajaccien puisque la CAPA est contrainte de conventionner avec la Collectivité de Corse pour exercer certaines compétences économiques, alors même que le Pays ajaccien ne co-construit pas ce schéma, à la différence de la métropole de Lyon par exemple, et contre toute logique d’efficience basée sur le principe de libre administration.
Par exemple, la mise en œuvre d’une politique locale ambitieuse de la mobilité pour le grand Ajaccio est mise en échec par l’absence de maitrise du foncier de la Ville d’Ajaccio sur son propre territoire, voire sur son territoire de cœur de ville. Ainsi, près de 222 km de routes sur le territoire de la CAPA ne relèvent pas du bloc local (voir plan ci-après).
1.Docteur en droit, Philippe De Bruycker est Professeur de l’Université Libre de Bruxelles à temps plein en charge des enseignements consacrés au droit de l’immigration et de l’asile, ainsi qu’à la libre circulation des citoyens européens. Il a été administrateur principal à la Direction Générale Justice et Affaires Intérieures de la Commission européenne. Après avoir été Directeur du Centre de droit public de la Faculté de Droit de 1995 à 1999 et membre d’un laboratoire du CNRS de 2000 à 2002, ses activités de recherche se concentrent désormais sur le droit européen et comparé.
Une dépendance financière des collectivités locales.
Les questions qui se posent en cette matière sont, réserve faite des particularités techniques propres aux finances, la conséquence de l’enchevêtrement des financements, de leur recentralisation en termes décisionnaires et de la définition législative desdites ressources propres.
On citera deux exemples illustrant la situation actuelle :
Le tissu entrepreneurial du grand Ajaccio connaît des difficultés (par ailleurs elles-mêmes identifiées par le Tribunal de commerce d’Ajaccio et de la Corse-du-Sud), notamment en raison du ralentissement de l’activité immobilière, et des effets induits par le remboursement des PGE.
La CAPA a tenu à inscrire la thématique du soutien et de l’accompagnement des entreprises en difficulté comme une priorité dans la convention de développement territorialisé conclue avec la CdC et l’ADEC.
Si cet item a bien fait l’objet de l’accord conventionnel, il n’en reste pas moins que la CdC ne participera au financement d’une telle action, au motif que cela ne correspond pas à la stratégie de l’Agence de développement économique de la Corse. Ceci revient donc à nier la capacité des élus communautaires à définir des orientations stratégiques, sauf à dire que la CAPA en assurera seule le financement, alors même que la CdC est chef de file de l’action économique.
Faut-il rappeler que le soutien direct de la CdC à l’action du CIAS du Pays ajaccien apparaît de ce fait en totale inadéquation face aux enjeux ?
15.190 personnes sont aujourd’hui considérées comme pauvres sur le territoire intercommunal (9.190 personnes pauvres et 6.000 personnes fragiles), dont 86% vivent sur la commune d’Ajaccio.
Le territoire du Pays ajaccien compte, en outre, 25.000 séniors de 60 ans et plus, dont on attend une augmentation du nombre de plus de 20% d’ici 2028, ce qui représente des enjeux de cohésion sociale que le soutien du chef de file de l’action sociale ne couvre qu’imparfaitement actuellement.
C’est la raison pour laquelle il convient également d’explorer la notion de différenciation consacrée par le Conseil Constitutionnel qui, à l’occasion de son examen sur la Loi MAPTAM, a pu préciser certaines questions de droit sur lesquelles Ajaccio et son territoire peuvent fonder leur demande de création d’une Métropole décentralisée.
Or, cette différenciation, n’a pas été un enjeu de la fusion des collectivités lors de la dernière réforme en date du statut de la Corse ayant abouti à la fusion de la Collectivité de Corse avec les deux départements de Corse.
La Ville et son agglomération, au regard des fortes contraintes qu’elles supportent, ont des besoins impérieux de réaliser des projets structurants à l’échelle métropolitaine, tout en intégrant et en valorisant le rôle et la diversité des communes qui constituent l’identité du territoire.
L'ambition d’Ajaccio et son territoire n’est pas seulement de pouvoir rattraper son retard, il s’agit d’être en mesure d’anticiper les mutations futures déjà identifiées.
Les questions qui se posent en cette matière sont, réserve faite des particularités techniques propres aux finances, la conséquence de l’enchevêtrement des financements, de leur recentralisation en termes décisionnaires et de la définition législative desdites ressources propres.
On citera deux exemples illustrant la situation actuelle :
- Dans le cadre de la mise en œuvre du SRDE2I de la Corse, la Collectivité de Corse soutient financièrement les EPCI avec qui elle conventionne. Or, le même montant de soutien, 100.000 €, est alloué quel que soit le territoire, alors que le pays ajaccien représente 40% de l’activité économique de l’île.
Le tissu entrepreneurial du grand Ajaccio connaît des difficultés (par ailleurs elles-mêmes identifiées par le Tribunal de commerce d’Ajaccio et de la Corse-du-Sud), notamment en raison du ralentissement de l’activité immobilière, et des effets induits par le remboursement des PGE.
La CAPA a tenu à inscrire la thématique du soutien et de l’accompagnement des entreprises en difficulté comme une priorité dans la convention de développement territorialisé conclue avec la CdC et l’ADEC.
Si cet item a bien fait l’objet de l’accord conventionnel, il n’en reste pas moins que la CdC ne participera au financement d’une telle action, au motif que cela ne correspond pas à la stratégie de l’Agence de développement économique de la Corse. Ceci revient donc à nier la capacité des élus communautaires à définir des orientations stratégiques, sauf à dire que la CAPA en assurera seule le financement, alors même que la CdC est chef de file de l’action économique.
- La Collectivité de Corse accompagne financièrement les CCAS et CIAS dans le cadre de la mise en œuvre de la politique sociale. Le territoire du Pays ajaccien est soutenu par une aide financière régionale de 110.000 euros alors que la CAPA supporte des caractéristiques sociales qu’aucun autre territoire ne supporte en Corse (pauvreté, exclusion, inclusion sociale, etc.).
Faut-il rappeler que le soutien direct de la CdC à l’action du CIAS du Pays ajaccien apparaît de ce fait en totale inadéquation face aux enjeux ?
15.190 personnes sont aujourd’hui considérées comme pauvres sur le territoire intercommunal (9.190 personnes pauvres et 6.000 personnes fragiles), dont 86% vivent sur la commune d’Ajaccio.
Le territoire du Pays ajaccien compte, en outre, 25.000 séniors de 60 ans et plus, dont on attend une augmentation du nombre de plus de 20% d’ici 2028, ce qui représente des enjeux de cohésion sociale que le soutien du chef de file de l’action sociale ne couvre qu’imparfaitement actuellement.
C’est la raison pour laquelle il convient également d’explorer la notion de différenciation consacrée par le Conseil Constitutionnel qui, à l’occasion de son examen sur la Loi MAPTAM, a pu préciser certaines questions de droit sur lesquelles Ajaccio et son territoire peuvent fonder leur demande de création d’une Métropole décentralisée.
Or, cette différenciation, n’a pas été un enjeu de la fusion des collectivités lors de la dernière réforme en date du statut de la Corse ayant abouti à la fusion de la Collectivité de Corse avec les deux départements de Corse.
La Ville et son agglomération, au regard des fortes contraintes qu’elles supportent, ont des besoins impérieux de réaliser des projets structurants à l’échelle métropolitaine, tout en intégrant et en valorisant le rôle et la diversité des communes qui constituent l’identité du territoire.
L'ambition d’Ajaccio et son territoire n’est pas seulement de pouvoir rattraper son retard, il s’agit d’être en mesure d’anticiper les mutations futures déjà identifiées.
Conclusion :
L’objectif de Métropolisation pour l’agglomération ajaccienne, mentionnée par le Président de la République dans son discours devant l’Assemblée de Corse le 28 septembre 2023, est, d’une part, de maîtriser l’attractivité du territoire qui ne se dément plus depuis de très nombreuses années, et d’autre part, de façonner à l’échelle de la Corse une Métropole moderne, intégrée à la compétition dans son espace euroméditerranéen.
Il convient de donner à la Métropole ajaccienne les moyens de ses ambitions.
Dans le cadre du processus institutionnel d’autonomie régionale pour la Corse, cet avènement métropolitain passe nécessairement par un pouvoir réglementaire autonome (non résiduel) dans l’exercice des compétences qui lui auront été dévolues et par une réelle autonomie financière ; cette dernière ne pouvant être celle issue de la loi organique de 2004 qui a vidé de son sens ce principe constitutionalisé en 2003.
L’enjeu d’un « Ajaccio Métropole » serait donc de mettre fin à une décentralisation de gestion, de modifier le mode actuel de fonctionnement de la décentralisation en révisant nécessairement, comme nous venons de le constater, les notions constitutionnelles de libre administration et d’autonomie financière, ainsi que de pouvoir réglementaire.
Face à l’ensemble de ces arguments en faveur d’un traitement différencié, et au regard du critère démographique, l’obtention d’un statut de Métropole pour l’agglomération ajaccienne ayant tous les attributs d’un établissement public réellement décentralisé, dans le cadre d’une région autonome, paraît entièrement justifié.
Il convient de donner à la Métropole ajaccienne les moyens de ses ambitions.
Dans le cadre du processus institutionnel d’autonomie régionale pour la Corse, cet avènement métropolitain passe nécessairement par un pouvoir réglementaire autonome (non résiduel) dans l’exercice des compétences qui lui auront été dévolues et par une réelle autonomie financière ; cette dernière ne pouvant être celle issue de la loi organique de 2004 qui a vidé de son sens ce principe constitutionalisé en 2003.
L’enjeu d’un « Ajaccio Métropole » serait donc de mettre fin à une décentralisation de gestion, de modifier le mode actuel de fonctionnement de la décentralisation en révisant nécessairement, comme nous venons de le constater, les notions constitutionnelles de libre administration et d’autonomie financière, ainsi que de pouvoir réglementaire.
Face à l’ensemble de ces arguments en faveur d’un traitement différencié, et au regard du critère démographique, l’obtention d’un statut de Métropole pour l’agglomération ajaccienne ayant tous les attributs d’un établissement public réellement décentralisé, dans le cadre d’une région autonome, paraît entièrement justifié.