La restauration de la statuaire ajaccienne est lancée

Le chantier de restauration de la statue en bronze de Napoléon Ier, qui orne le monument commémoratif de la place d’Austerlitz, marque le début d’un vaste programme de sauvegarde et de mise en valeur de la statuaire publique ajaccienne. Celui-ci à fait l'objet d'une présentation à la presse par le maire, Stéphane Sbraggia, qui a également rappelé les grandes lignes de la politique ambitieuse, conduite par la Ville, en matière de valorisation du patrimoine.

La campagne de restauration de la statuaire ajaccienne entre dans le cadre plus général de la politique d’attractivité du centre- ville, mise en oeuvre par l’exécutif municipal, qui repose en partie sur la valorisation de la richesse patrimoniale de la cité impériale.

Entre urgence de réparer les dommages causés par le temps et volonté de rendre tout son éclat à son patrimoine monumental, la Ville d’Ajaccio, à travers sa direction des patrimoines, a donc acté une série d’opérations.



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Après le monument du Casone, ce sera en effet au tour du monument à Napoléon et ses quatre frères, sur la place du Diamant, mais aussi de la statue en marbre de Napoléon en habit de consul romain et de sa fontaine des quatre lions, sur la place Foch, de bénéficier d’une nouvelle jeunesse (Cf calendrier prévisionnel). Sachant que la restauration de la statue du cardinal Fesch, dans la cour du palais Fesch-Musée des beaux-arts de la Ville d’Ajaccio, et celle du Général Abbatucci, sur la place du même nom, vont faire l’objet d’une étude préalable qui débute à la fin du mois d’octobre.
 
Le monument du Casone, Napoléon et ses quatre frères du Diamant, Napoléon en habit de consul romain et sa fontaine aux lions place Foch sont concernés.
 
Concernant les statues et éléments en bronze du Casone et du Diamant, deux ensembles protégés au titre des monuments historiques, une étude préalable avait été conduite en 2021. Ces deux chantiers mobilisent un investissement de près de 170 000 € HT, qui bénéficient de l’aide financière de l’État, grâce au Fonds national d’aménagement du territoire (FNADT), et de la Collectivité de Corse.

La campagne de restauration a donc débuté par la place d’Austerlitz. Cet espace, bien plus connu par ses appellations populaires de « la grotte » ou du Casone, est sans doute le lieu le plus emblématique de la légende napoléonienne à Ajaccio. Napoléon enfant y serait venu pour méditer sur son destin et Napoléon mort y est donc célébré par une immense statue de bronze depuis 1938.

Entre le 18 et le 26 septembre 2023, la société A-Corros a rendu son éclat au bronze de la statue de Napoléon Ier, tandis que la société « La Pierre au Carré » se chargeait des deux aigles en pierre qui veillent en contrebas du monument. Cette dernière sera de retour sur le site, entre la fin octobre et début novembre, pour traiter la pyramide sur laquelle la statue est installée.

Cette opération vient compléter la mue entamée par la place Austerlitz, à la fin des années 1990, avant qu’elle ne profite d’une profonde transformation en 2019, pour le 250e anniversaire de la naissance de Napoléon. L’ensemble du site avait alors été repensé, réaménagé, fleuri et arboré. Restait le monument, inauguré le 15 août 1938, qui retrouve désormais sa majesté d’antan (lire ci-après l’histoire du Casone et de sa statue).

La société A-Corros et son cotraitant, la société «La Pierre au Carré» (pour la partie « pierre »), sont toutes deux basées à Arles. Leurs intervenants sont diplômés d’État, habilités Musées de France, et travaillent selon la déontologie de conservation-restauration en vigueur en Europe et en France.

 

Conférence de presse de lancement de la restauration de la statuaire ajaccienne, de gauche à droite, Simone Guerrini adjointe à la culture et au patrimoine, Stéphane Sbraggia maire d'Ajaccio, Marie-Laure Mattei Mosconi directrice des patrimoines de la Ville d'Ajaccio, Paul Houssin restaurateur spécialisé dans les métaux de l'entreprise "A-Corros" et Michaele Laury chargée de l'inventaire mobilier et de la restauration au sein de la direction des patrimoines de la Ville d'Ajaccio.


Le calendrier prévisionnel du programme de restauration

MONUMENT COMMÉMORATIF DE NAPOLÉON IER (Place d’Austerlitz – Casone)
Phase 1 : Du 18 au 26 septembre 2023, restauration de la statue en bronze et des aigles en pierre.
Phase 2 : Fin octobre/début novembre, retour de l’équipe de restaurateurs « pierre » pour l’intervention sur la pyramide.

Éléments traités : Statue de Napoléon Ier (bronze ; 400x160 cm ; env. 700 kg) ; Plaque (bronze ; 137x75x7 cm) ; Pyramide (granit) ; Escalier monumental (granit) ; Deux aigles (pierre schisteuse et socle en granite).
 
MONUMENT À NAPOLÉON ET SES QUATRE FRÈRES (Place Charles de Gaulle – Diamant)
Chantier de restauration programmé en avril 2024, confié à la société A-Corros.

Éléments traités : Statue de Napoléon (laiton ; 326x269x131 cm ; env. 1300 kg) ; Statues des quatre frères (laiton ; 210x76 cm ; env. 450 kg) ; Plaque (laiton ; 180x40x2 cm) ; Socle (granit) ; Exèdres (marbre).
 
STATUE DE NAPOLÉON EN HABIT DE CONSUL ROMAIN (Place Foch) À partir de la fin du mois de novembre 2023, préparation à la dépose de la statue et des 4 bas-reliefs ; Décembre 2023 : début du chantier de restauration de la statue et des bas-reliefs, qui se déroulera au sein de l’Hôtel de Ville, où la statue d’origine sera définitivement installée ; Entre janvier et avril 2024 : copie de la statue et des bas-reliefs, puis installation des reproductions sur le site de la place Foch. Avril 2024 : début de la restauration des quatre lions et des deux bassins de la fontaine.

Le Casone et sa statue : toute une histoire

Le 15 août 1944, le préfet Moris ordonne la mise en place d’un service d’ordre dans la zone du Casone, autour de la villa de Nicolas Pietri, l’exécuteur testamentaire de Clémenceau, qui attend un visiteur célèbre : Winston Churchill.

La vue est imprenable sur le golfe d’Ajaccio et la place d’Austerlitz. On imagine aisément le British Bulldog griller son éternel cigare et méditer en regardant l’immense statue de bronze représentant celui qu’il considérait comme « le plus grand homme d’action depuis César », inaugurée un autre 15 août, en 1938.

Les Anglais, comme le général de Gaulle qui vient s’y recueillir en 1943, ne s’y trompent pas, le lieu est chargé par la mémoire napoléonienne, l’Empereur y trône en commandeur, dominant pour l’éternité la ville qui l’a vu naître et, ainsi qu’il est écrit sur les marches du monument : « Nous l’avons vu gravir, superbe, les premiers échelons des cieux ».

Si l’éternité est une valeur communément associée à la statuaire en bronze, il n’en demeure pas moins que la statue du Casone subit les outrages du temps et qu’il devenait urgent de la restaurer. Mais quelle est véritablement son histoire qui fait que les visiteurs se pressent pour la voir et que les Ajacciens y soient si attachés ?
 
Le lieu-dit du Casone
Le Casone était un bâtiment cossu qu’avaient construit les Jésuites au début du XVIIIe siècle et qui donna son nom au domaine qui couve toute la colline jusqu’à la mer.

La propriété fut acquise par Joseph Bonaparte en 1797 qui la revendit en 1816 à Dominique Multedo qui la rétrocéda au cardinal Fesch dans l’optique de la construction de l’institut d’études qu’il envisageait de fonder. Le cardinal la donna ensuite à la Ville d’Ajaccio, l’ensemble du legs correspond à une superficie de 21 hectares. La place servit ensuite de terrain de manoeuvres
militaires et, comme la vieille maison gênait, on la démolit en 1878. Seule fut protégée la « grotte », étape obligée du pèlerinage napoléonien.
 
Une légende tenace : « la grotte Napoléon »
D’après la légende, Napoléon enfant s’y rendait souvent pour se livrer à de profondes méditations sur sa destinée en lisant Plutarque. L’histoire est jolie et tenace, mais fort peu probable. Napoléon est parti d’Ajaccio à dix ans, et il aurait eu de sérieuses difficultés à franchir les remparts de la ville et à emprunter de mauvais sentiers à travers le maquis pour pénétrer dans une propriété placée sous séquestre.
Par contre, il s’y rendit de façon certaine en 1799, à son retour d’Égypte, en compagnie de Murat, Lannes et Berthier.
 
De l’Hôtel de Ville au Casone
C’est à l’occasion du centenaire de la mort de Napoléon, en 1921, que le projet d’une construction monumentale en son honneur, sur le terrain du Casone, prend forme. La pierre de fondation est posée le 4 mai.

Il faut attendre le 18 mars 1938 pour que la statue de l’Empereur domine enfin la perspective du cours Grandval. Le monument est inauguré avec faste le 15 août de la même année.

En 1935, le comité du Monument Napoléon, présidé par le général Dominique Leandri, avait lancé une souscription publique afin d’ériger sur la place du Casone la statue de Napoléon Ier d’après Emile Seurre (1798-1858) qui dormait dans la cour anglaise de l’Hôtel de Ville depuis 1921.

Le projet est confié à Roger Seassal (1885-1967), lauréat du Grand prix de Rome en 1913, qui propose la maquette définitive du monument en 1937. L’inauguration a lieu dans le contexte particulier de la fin des années 1930 et des visées de Mussolini sur la Corse. Dans une ambiance d’un attachement profond à la France, des festivités sont organisées du 14 ou 17 août 1938.